Louis BACLER D’ALBE
SAINT POL SUR TERNOISE (Artois – actuel Pas de Calais) le 21 octobre 1761 – Sévres 12 septembre 1824

Officier d’artillerie, géographe, cartographe, peintre, lithographe, Baron d’Empire, conseiller de Napoléon

Louis-Albert Guislain Bacler Dalbe est né à SAINT POL SUR TERNOISE (Artois – actuel Pas de Calais) le 21 octobre 1761. Son père Philippe Bacler dit « d’Albe » est directeur des postes, fonction traditionnelle de la famille, après avoir fait une carrière dans l’armée, sa mère Cécile-Anne est issue d’une famille de juristes, les Delattre.

Louis Bacler fait d’excellentes études durant lesquelles il montre un grand talent pour le dessin et les sciences naturelles. Bien que ses parents le destinent à la carrière il devient à l’âge de quinze ans premier commis de son père qui est alors directeur des postes à Amiens et qui est constamment malade. Mais à vingt ans, plus attiré par les beaux-arts que par son travail, il voyage, séjourne en Suisse jusqu’en 1786 puis s’installe en Savoie de 1786 à 1793. Il parcourt les montagnes et réalise alors de nombreux dessins et peintures des Alpes qui se vendent bien, il étudie « en direct » la topographie et rassemble de la documentation technique.

Séduit par les idées nouvelles et alors qu’il est marié et père de deux enfants, il s’engage pour défendre la République le 1er mai 1793 au 2ème bataillon des Chasseurs de l’Ariège qui devient la 56ème demi-brigade d’infanterie de ligne. Il gravit rapidement les grades subalternes et participe au siège de Lyon où le 20 octobre 1793 il est élu capitaine d’artillerie par ses camarades, sans avoir suivi aucune formation militaire. Il participe ensuite au siège de Toulon sous les ordres du général Laharpe et il y commande la « Batterie des Invincibles ». Il combat courageusement et récolte trois blessures.

Le 2 avril 1794 Bacler Dalbe est nommé adjoint aux adjudants-majors du parc d’artillerie de campagne de l’armée d’Italie, il sert à Nice durant les années 1794 et 1795 puis en Italie en 1796. Quand Bonaparte prend le commandement effectif de l’armée d’Italie (nominalement sous les ordres de Berthier), il remarque rapidement Bacler d’Albe tant pour ses reconnaissances menées avec méthode et succès que pour ses dessins, notamment de machines militaires. Bonaparte attache Bacler Dalbe à son état-major en qualité d’officier géographe-dessinateur et directeur de son cabinet topographique le 3 septembre 1796.

Bonaparte le charge de réaliser la levée topographique de la côte entre Nice et Savone et, conjointement avec le capitaine Muiron, de déterminer l’emplacement de nouvelles batteries d’artillerie à implanter le long des lignes françaises. Il participe également à l’enseignement donné aux lieutenants d’artillerie.

Bonaparte fait également appel à ses talents de dessinateur et peintre pour populariser ses victoires auprès des français. Il réalise l’un des premiers portraits de Napoléon Bonaparte, ainsi que des dessins, peintures et lithographies du passage des alpes et des batailles livrées par l’Armée d’Italie.

En octobre 1797, à l’instigation de Bonaparte lui-même inspiré par Berthier, Bacler Dalbe qui s’est fixé à Milan se met en devoir d’exécuter la carte de l’Italie, mais à ses frais personnels et par souscription, les services officiels français refusant d’en assurer la dépense. Cela lui vaudra d’important désagréments car après avoir gravé une bonne partie des cuivres servant à l’impression des cartes, le retour des autrichiens en août 1799 précipite un départ de Milan et le convoi contenant cartes, cuivres et outillage est pillé par des insurgés. Les cartes et une partie des cuivres sont sauvés mais une autre partie des cuivres, l’outillage et divers documents sont pillés pour se retrouver entre les mains des autrichiens. Ceux-ci finiront par restituer les fameux cuivres mais non sans réclamer d’importants « frais » que Bacler Dalbe aura bien du mal à payer…

En 1798, Bacler Dalbe, alors stationné à Milan, est convoqué pour une destination inconnue mais son épouse choisit semble-t-il de lui cacher et de détruire la lettre de service, le privant, ou lui évitant, ainsi de participer à la campagne d’Egypte !

A son retour d’Egypte en 1799 Bonaparte passe l’éponge sur la désobéissance involontaire de Bacler Dalbe, non sans une solide remontée de bretelles, et le fait nommer Chef des ingénieurs du Dépôt de la Guerre le 22 septembre 1799.

Il y participe à la normalisation de la cartographie française tout en poursuivant son œuvre de peintre et dessinateur.

Il est nommé Chef d’Escadron le 23 septembre 1801.

Il est nommé en septembre 1804 Chef du Cabinet topographique de l’Empereur qui vient d’être créé, il a la pleine confiance de Napoléon qu’il suit partout en temps de paix comme en temps de guerre. Il devient le plus proche collaborateur de Napoléon pour qui il réalise les cartes précises des pays traversés, des champs de bataille, des reliefs, des manœuvres à réaliser… Il visualise la situation des troupes en présence, réalise les calculs des distances, conseille sur les axes d’attaque et les lignes de feu. Ses cartes sont des trésors de précisions sur lesquelles l’Empereur peut s’appuyer pour arrêter ses décisions (il réalise la première carte homogène de l’Europe dite « Carte de l’Empereur » à l’échelle 1/100.000ème).

Il est de toutes les réunions et il est le seul qui prend part aux décisions stratégiques de l’Empereur. Il est sans doute le meilleur connaisseur de la pensée militaire de Napoléon.

En 1806 il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur.
Il devient Colonel le 21 juin 1807 puis Adjudant-Commandant le 5 juillet de la même année.
En 1809 l’Empereur lui confère toute autorité sur le Corps des ingénieurs-géographiques, au mépris de la voie hiérarchique…
Il devient Baron d’Empire le 2 février 1810 et son nom s’écrit désormais Bacler d’Albe.
Le 10 avril 1812 il est promu Officier de la Légion d’Honneur.

Pendant la Campagne de Russie Bacler d’Albe perd tous ses chevaux et bagages, dont les précieux cuivres de ses cartes dont il vendait les tirages à l’Etat. Le cabinet topographique de l’Empereur est décimé, le matériel, les précieuses cartes et les archives sont perdus ou pris par les russes.

Louis Bacler d’Albe est promu au grade de Général de Brigade le 24 octobre 1813.

Quelque peu usé par ses années de campagne, il obtient la fonction de Directeur du Dépôt de la Guerre le 2 mars 1814, et ne participe donc pas à la Campagne de France. Après le départ en exil de Napoléon à l’île d’Elbe Bacler d’Albe met le Dépôt de la Guerre aux ordres du Roi, avant de rallier l’Empereur pendant les Cent-jours.

Après Waterloo et le nouveau départ de Napoléon en exil vers Sainte Hélène, Bacler d’Albe se distingue en sauvant du pillage des alliés, avec l’aide du nouveau directeur du Dépôt nommé par le Roi, les cuivres de la fameuse carte de Cassini, seule carte de France existant à l’époque, ainsi que les autres originaux du Dépôt. Les occupants autrichiens, russes et prussiens ne trouveront rien mais les prussiens saccageront sa maison de Sèvres et détruiront les documents et archives personnels de la famille.

Il est privé de son emploi et placé en demi-solde le 10 juillet 1815. Surveillé par la monarchie, il se retire dans sa maison de Sèvres, il reprend les pinceaux et travaille pour la Manufacture de Sèvres et surtout comme artiste lithographe. Il réalise ainsi des centaines de gravures à partir de ses carnets de dessins réalisés tout au long de ses campagnes à travers l’Europe, mais aussi à l’occasion de ses nombreuses promenades. Il rencontre un certain succès.

Il est replacé dans les cadres d’active de l’Armée en décembre 1818 mais sans affectation, avant d’être mis définitivement en disponibilité, avec la solde correspondant à son grade, le 1er avril 1820, soit à l’âge de cinquante-neuf ans.

Le 12 septembre 1824, entouré de sa famille, le Général et Baron d’Empire Louis Bacler d’Albe meurt dans sa maison de Sèvres, à l’âge de soixante-trois ans.

Officier d’état-major, n’ayant jamais commandé une grande unité au feu, son nom ne figure pas sur l’Arc de Triomphe.

Durant sa longue carrière le rôle de Bacler d’Albe a été primordial sur plusieurs plans :

  • Il a révolutionné la cartographie par la précision de ses traits et son sens artistique ; il a été le meilleur cartographe de son temps et a réalisé des cartes homogènes de toute l’Europe.

Il a normalisé la topographie, en uniformisant les signes et conventions et en faisant adopter de nouveaux procédés, tel le procédé dit des lignes de plus grande pente à la place de l’ancien procédé des demi-perspectives.

Il a assuré la formation des ingénieurs-géographes et a participé à la professionnalisation du métier de topographe.

  • Il a été le collaborateur privilégié, quasiment de niveau stratégique, de l’Empereur, synthétisant les données géographiques et militaires par ses cartes, mais aussi celui qui prenait systématiquement part à la préparation des décisions essentielles de Napoléon.

Ainsi, selon le colonel Vachée (in Napoléon en campagne) : « Aucun autre officier, y compris Berthier, ne nous semble avoir été associé d’une façon si intime au travail de pensée de Napoléon. A ce titre, Bacler d’Albe a tenu dans l’État-Major impérial une situation unique : seul, il a rempli auprès de Napoléon celles des fonctions d’État-Major qu’on doit considérer comme les plus élevées et qui consistent à préparer la décision du Chef… »

  • Il a été un artiste reconnu tant dans la peinture de bataille qu’il a véritablement rénovée en y mêlant vues d’ensemble topographique et sens du détail humain, que dans la gravure et la lithographie avec de très nombreuses vues de paysages et quelques scènes mythologiques. Il a réalisé plus de 500 œuvres !