LA BATAILLE DE MARENGO
Italie :
14 juin 1800

LE CONTEXTE
Rentré d’Egypte et n’ayant pu obtenir la paix avec l’Angleterre et l’Autriche, Bonaparte, devenu Premier Consul, réunit en secret à Dijon, durant les premiers mois de 1800, une armée dite « de réserve » destinée à intervenir soit au profit de l’armée d’Allemagne confiée au général Moreau, laquelle lancera une offensive en Bavière, soit au profit de l’armée d’Italie confiée au général Masséna, laquelle défendra les frontières sud-Est de la France.
L’armée de réserve doit compter 60.000 hommes sous le commandement théorique du général Berthier, les Consuls n’ayant pas le droit de commander des armées.
L’armée d’Italie ou « de Ligurie » est formée en grande partie avec les débris de l‘ancienne armée d’Italie qui y a combattu durant la campagne de 1799 et a été refoulée par les autrichiens dans les Alpes et les Apennins. Cette armée fait face à des troupes autrichiennes bien plus nombreuses et mieux équipées ; sa faiblesse incite Bonaparte à la destiner à un rôle accessoire de fixation d’une partie de l’armée autrichienne dans la région de Gênes.
Les hostilités commencent le 5 avril 1800 par l’attaque des autrichiens contre l’armée de Ligurie dont les faibles effectifs manquent de tout et sont dangereusement étirés.
L’axe de l’offensive autrichienne et la mésentente avec le général Moreau qui tergiverse sans cesse pour lancer son attaque en Allemagne décide Bonaparte à retirer à l’armée de Moreau le rôle principal qu’il lui avait initialement attribué et à livrer une campagne décisive en Italie en lançant l’armée de réserve sur les arrières de l’armée autrichienne.
Pendant une dizaine de jours l’armée de Ligurie se bat avec courage mais se trouve coupée en deux, une partie enfermée dans Gênes avec Masséna, tandis que l’autre partie (corps de Suchet) se retranche derrière le Var, abandonnant Nice aux autrichiens.
L’espoir de Bonaparte se réalise ainsi, la présence d’une armée française dans Gênes fixe les autrichiens qui ne peuvent développer une offensive de plus grande ampleur.
De son côté Moreau lance enfin l’armée d’Allemagne à l’assaut le 27 avril et repousse les autrichiens dans une série d’engagements victorieux (batailles de Stockach et Engen le 6 mai, Mösskirch le 5 mai, Biberach le 9 mai et Memmingen le 10 mai).
Bonaparte quitte Paris dans le plus grand secret le 6 mai et arrive à Dijon le 7 mai. Immédiatement il procède à des inspections, il harangue les troupes, il « secoue » l’intendance et fait préparer le passage des Alpes. Le 13 mai à Lausanne Bonaparte passe en revue les troupes françaises ; tout est prêt pour lancer la deuxième campagne d’Italie.
Le 14 mai, l’armée française se met en route et franchit le 16 le col du Grand Saint Bernard par un froid vif. Le matériel doit être démonté et porté sur traineaux, parfois hissé à la force des bras. Ce difficile itinéraire est le plus court et son passage par les troupes françaises surprend les autrichiens. Bonaparte passe le col du Grand Saint Bernard le 20 mai sur la mule du guide Dorsaz.
L’armée française est bloquée quelques jours devant le fort de Bard qui est finalement contourné par un chemin non fortifié, le défilé d’Albaredo. Le fort capitule le 1er juin en ayant bloqué la quasi-totalité de l’artillerie française jusqu’à cette date.
Le 2 juin l’armée française occupe Milan qui a été évacuée sans combat par les autrichiens.
Ayant ainsi coupé les principales forces autrichiennes de leur ligne de retraite, Bonaparte espère prendre ses adversaires en tenaille entre ses troupes et celles de Masséna toujours assiégé dans Gênes.
La reddition de Masséna le 5 juin oblige Bonaparte à revoir ses plans de bataille.
Après la traversée du Pô et la bataille de Montebello remportée par Lannes le 9 juin, Bonaparte est résolu à tomber sur les autrichiens avant qu’ils n’aient achevé leur concentration.
L’armée française manque cruellement d’artillerie, longtemps retenue par l’obstacle du Fort de Bard, et sa cavalerie a des effectifs très faibles, ce qui ne permet pas un éclairage suffisant.
L’armée française avance ainsi pendant plusieurs jours un peu à l’aveuglette et sur un front très étendu à la recherche d’un adversaire qui se dérobe.
Le 13 juin 1800 les 28.000 soldats français, soutenus par à peine une quarantaine de canons, sont dispersés sur un front de 50 kilomètres (entre Casale et Novi) et une profondeur de 25 kilomètres (entre Marengo –Gardanne- et Ponte Curone), et Bonaparte ne sait pas que 30.000 soldats autrichiens sont groupés autour de la ville d’Alexandrie sous le commandement du Feld-Maréchal Von Mélas qui s’est enfin décidé à livrer bataille pour éviter l’encerclement.
Les divers engagements de la journée et une forte canonnade autrichienne en soirée empêchant le franchissement de la rivière Bormida n’éveillent pas l’attention de l’état-major français…
La rencontre décisive a lieu le lendemain 14 juin 1800.

LE CHAMP DE BATAILLE
Le champ de bataille est situé dans la plaine de San Giuliano qui s’étire d’Ouest en Est, de la rivière Bormida jusqu’au village de San Giuliano Vecchio, sur une douzaine de kilomètres, et qui est verrouillée à l’Ouest par la ville d’Alexandrie.

Elle est traversée d’Est en Ouest par une route importante qui relie Tortone à Alexandrie.

Du Nord au Sud le champ de bataille s’étend sur 5 à 6 kilomètres, de Castel Ceriolo à la nouvelle route Tortone-Alexandrie.

Le champ de bataille est formé d’un terrain coupé de fossés, de bosquets, de clôtures, de canaux d’irrigation et de fermes massives pouvant servir de point d’appui.

Le dispositif autrichien

Le commandant en chef autrichien, le feld-maréchal Von Mélas, vieux soldat de 71 ans qu’on dit brave et habile manœuvrier, a décidé d’attaquer les français par surprise pour se frayer un chemin vers l’Est, vers Plaisance.

Ses 30.000 hommes sont regroupés autour d’Alexandrie et sont séparés des français par la rivière Bormida, sauf une avant-garde formant une tête de pont proche des avant-postes français situés sur un ruisseau, le Fontanone.

Les soldats autrichiens sont bien équipés, bien nourris et ont bon moral : ils sont prêts à en découdre.

L’ordre de bataille du 14 juin est constitué de 3 colonnes :

  • La colonne de gauche (au Nord), commandée par le feld-maréchal Ott, est forte de 7.600 hommes (6.850 fantassins et 750 cavaliers). Elle doit avancer vers Salé par Castel-Ceriolo pour immobiliser les forces françaises de ce secteur. En cas d’infériorité, elle retraiterait vers la rivière Bormida.
  • La colonne du centre, qui forme la colonne principale, commandée par le Feld-Maréchal Von Mélas en personne, est forte de 20.200 hommes (14.200 fantassins et 6.000 cavaliers). Elle doit avancer vers Marengo puis San Giuliano avant de se rabattre à gauche pour prendre de flan les forces françaises attaquées par Ott (colonne de gauche).
  • La colonne de droite (au Sud), commandée par O’Reilly, est forte de 3.000 hommes (brigade Rousseau : 2.200 fantassins et 800 cavaliers). Elle doit couvrir la droite du dispositif autrichien et éclairer le secteur en direction de Novi (au Sud).

(Voir ci-après le tableau détaillé de l’ordre de bataille)

L’artillerie autrichienne compte 180 canons dont 60 à la réserve. Elle est commandée par le Colonel Reisner et peut se former en batteries mobiles de 6 à 8 pièces pour fournir les concentrations de feu nécessaires.

Le dispositif français

A l’aube de la bataille, l’armée française, sous le commandement du Premier Consul, est disposée de la façon suivante :

  • Au Nord, la division Monnier (corps de Desaix) stationne en face du village de Castelceriolo. Elle compte au total 3.600 fantassins.
  • Au Sud de la division Monnier se trouve la Garde Consulaire (brigade Soulès) composée 800 grenadiers et chasseurs.

Ces deux « divisions » feront face à l’aile droite autrichienne (colonne Ott).

  • Au Sud de la Garde Consulaire et formant le centre du dispositif français, le corps de Lannes borde le ruisseau Fontanone et s’étend du Sud du village de Castelceriolo au Nord du village de Marengo. Il comprend un total d’environ 5.000 fantassins.

Le corps de Lannes fera face au centre autrichien (colonne Von Mélas).

  • Au Sud, du village de Marengo à la nouvelle route de Tortone et bordant le ruisseau Fontanone, est situé le corps de Victor comptant 8.980 fantassins.

La division Gardanne est positionnée en avant-garde à la Cassine (ferme) Padrabona, juste en face de la tête de pont de pont autrichienne sur la rivière Bormida.

C’est cette division qui a repoussé la veille 3.000 autrichiens dans Alexandrie.

Le corps de Victor fera face au centre autrichien (colonne Von Mélas – vieille route de Marengo à San Giuliano) et à l’aile gauche autrichienne (colonne O’Reilly – nouvelle route de Tortone).

Le reste du corps de Desaix, soit la division Boudet (brigade Musnier comptant 2.000 fantassins et brigade Guénand comptant 3.300 fantassins), est stationné assez loin au Sud-Est à Rivalta et sur le plateau de Serrezano.

La cavalerie, commandée par Murat, comprend les brigades Kellermann (470 cavaliers), Champeaux (1.000 dragons), Duvignau (600 chasseurs) et Rivaud (760 chasseurs et hussards), ainsi que 3 régiments non embrigadés pour 500 cavaliers et hussards et enfin 360 grenadiers et chasseurs de la Garde Consulaire sous Bessières.

La brigade Kellermann couvre l’aile gauche française à Marengo tandis que la brigade Champeaux couvre l’aide droite au Nord-Est de Marengo.

La brigade Rivaud est à Salé, village situé tout au Nord de la plaine de San Giuliano.

L’artillerie française compte 690 artilleurs dont 70 de la Garde Consulaire pour à peine 22 canons !

Les troupes françaises comptent au total environ 28.170 hommes pour la bataille.

(Voir ci-après le tableau détaillé de l’ordre de bataille)

Point important : le Premier Consul ignore que les ponts sur la Bormida sont intacts alors qu’il avait ordonné leur destruction.

Ordre de bataille

Armée Autrichienne Armée Française
Aile gauche (Nord) – feld-maréchal Ott :7.600 hommes (6.850 fantassins et 750 cavaliers), soit :

* avant-garde – brigade Gottesheim : 560 fantassins et 250 cavaliers),

* division Schellenberg : brigade Retz (2.000 fantassins) et brigade Sticker (2.100 fantassins et 500 cavaliers),

* division Von Vogelsang : brigade Ulm (2.200 fantassins).

Aile droite (Nord) :* division Monnier (corps de Desaix) : brigade Carra-Saint-Cyr (910 fantassins) et brigade Schilt (2.700 fantassins), soit au total 3.600 fantassins,

* Garde Consulaire (brigade Soulès) : 800 grenadiers et chasseurs,

* brigade Champeaux (1.000 cavaliers).

Centre – feld-maréchal Von Mélas :20.200 hommes (14.200 fantassins et 6.000 cavaliers), soit :

* avant-garde – brigade Frimont : 830 fantassins et 460 cavaliers),

* première ligne : division Haddick (brigades Bellegarde et Saint Germain : 3.700 fantassins, brigade Pilati : 1.300 cavaliers),

* deuxième ligne : division Kaïm (brigades Briey, Knesewich et La Marseille : 4.900 fantassins),

* troisième ligne : division de grenadiers Morzin (brigades Lattermann et Weidenfel : 4.350 grenadiers et 400 pionniers),

* division de cavalerie Elsnitz (brigades Nobili et Nimptsch) : 4.200 cavaliers (dont quelques centaines seront détachés au Sud-Est pour parer toute éventuelle attaque de ce côté et ne seront pas disponibles pour la bataille).

Centre :* corps de Lannes (environ 5.000 fantassins) formé de la division Watrin :

. brigade Mainoni (1.000 fantassins),

. brigade Malher (1.100 fantassins),

. brigade Gency (2.970 fantassins),

* division Gardanne (corps de Victor) : 3 régiments pour 3.700 fantassins.

Aile droite (Sud) – général O’Reilly :3.000 hommes – brigade Rousseau : 2.200 fantassins et 800 cavaliers).

 

Aile gauche (Sud) :* division Chambarlhac (corps de Victor) environ 5.300 fantassins) : brigade Herbin (1.800 fantassins) et brigade Rivaud (3.480 fantassins),

* brigade Kellermann (470 cavaliers) et brigade Duvignau (600 cavaliers).

A Rivalta et sur le plateau de Serrezano (assez loin au Sud-Est du champ de bataille) :Division Boudet (corps de Desaix) : brigade Musnier (2.000 fantassins) et brigade Guénand (3.300 fantassins).

A Salé (Nord du champ de bataille) :

Brigade Rivaud (760 cavaliers).

 

La bataille

A 8 h 00 les troupes autrichiennes se mettent en route et entament leur déploiement.

Vers 9 h 00 l’avant-garde autrichienne de Frimont (1.300 hommes dont 450 cavaliers), appuyée par la division Haddick (5.000 hommes dont 1.300 cavaliers) attaque la petite division Gardanne (3.700 fantassins) à la Cassina Pedrabona.

Après avoir subi le feu de 16 canons puis une impétueuse charge de cavalerie, la division Gardanne se replie vers Marengo à l’exception de 300 hommes de la 44ème demi-brigade, commandés par l’adjudant-général Dampierre, qui se retranchent dans la ferme « La Stortigliona » et y résisteront seuls pendant presque toute la journée en infligeant des pertes sévères aux autrichiens. Les survivants seront faits prisonniers en fin d’après-midi.

Cette résistance inattendue contribue à annihiler l’effet de surprise dont bénéficiait l’attaque autrichienne.

La division Gardanne, renforcée par la 24ème légère, se met en défense le long du Fontanone, ruisseau de 3 à 4 mètres de large aux berges encaissées, tandis que la division Chambarlhac (3.500 fantassins et 5 ou 6 canons), envoyée à son secours par Victor, résiste dans Marengo où l’on se bat maison par maison.

Bonaparte, qui a entendu la canonnade vers 8 h 00, a immédiatement compris le danger :

  • Il fait masser sur l’aile gauche française, en avant de Spinetta, les brigades de cavalerie Kellermann, Rivaud et Duvignau (absent suite à une chute de cheval la veille), renforcées par le 8ème Dragons détaché de la Brigade Champeaux qui elle est placée sur l’aile droite française.
  • Il rappelle de Voghéra la division Monnier et la Garde Consulaire à pied.
  • Il envoie un message à Desaix lui enjoignant de le rejoindre à San Giuliano.

Vers 10 h 00 le général Haddick, à la tête de la brigade Bellegarde, mène un nouvel assaut autrichien sur Marengo.

Bien retranchés les français fusillent et canonnent les autrichiens qui attaquent en terrain découvert. L’assaut est stoppé au niveau du ruisseau Fontanone et le général autrichien Haddick est tué. Le 1er bataillon de la 43ème demi-brigade de bataille, commandé par le général Rivaud, a supporté tout le poids de la charge autrichienne sur Marengo.

Après une nouvelle préparation d’artillerie, les autrichiens lancent un nouvel assaut mené par la division Kaïm. Les français sont épuisés, leurs pertes sont sensibles et les munitions commençent à manquer.

La division Chambarlhac recule mais elle est heureusement renforcée par la division Watrin (environ 5.000 fantassins – Corps de Lannes) qui arrive de San Giuliano. De nouveau l’assaut autrichien est brisé, la division Kaïm recule.

Cependant la colonne autrichienne de gauche (au Nord – commandée par Ott) entame son mouvement de débordement sur Castel Ceriolo.

Les autrichiens construisent un pont sur le ruisseau Fontanone sous la protection de leur artillerie ; la division Kaïm reprend son assaut sur Marengo.

La brigade de grenadiers Lettermann parvient à pénétrer dans Marengo avant d’en être repoussés après de durs combats ; la brigade Bellegarde s’empare même momentanément de la ferme « La Barbota » située au Nord de Marengo avant d’en être chassée.

Au Sud-Est neuf escadrons de dragons autrichiens (Dragons de l’Empereur et Dragons de Karaczay) franchissent le Fontanone et tentent de percer vers Spineta pour prendre de flanc la 44ème légère. Une charge du 8ème Dragons, envoyé à la rescousse par Kellermann, surprend les autrichiens et les met en déroute.

L’offensive autrichienne est encore brisée.

A 11 h 00, les premiers éléments du corps de Lannes arrivent sur la droite de Victor, tandis que les autrichiens suspendent leurs assauts pour réorganiser leur artillerie et installer de nouvelles batteries, puis reprennent leur offensive.

Vers 12 h 00, les soldats du corps de Victor se battent depuis quatre longues heures.

Au Nord, le corps de Ott atteint Castel Ceriolo dont il s’empare puis progresse en direction de Salé (Nord-Est). Ott comprend qu’il s’éloigne de la bataille et fait pivoter ses troupes sur leur droite pour attaquer de flanc les forces françaises.

Lannes envoie la brigade Mainoni (environ 1.000 fantassins) et la brigade Champeaux (environ 1.000 dragons) contre Ott. Au cours de la charge qu’il mène à la tête du 1er Dragons le général Champeaux est grièvement blessé à la poitrine.

L’avance de Ott se poursuit, profitant notamment d’une énorme supériorité en artillerie (100 canons autrichiens pour à peine une quinzaine de pièces françaises).

Au centre des lignes françaises le corps de Victor, à court de munitions, abandonne Marengo ainsi que 5 canons et entame une retraite en bon ordre. Lannes doit suivre le mouvement pour éviter l’encerclement et dirige ses forces vers la Casa Buzana.

Le bon ordre devient difficile à maintenir dans les troupes françaises qui reculent, épuisées et manquant de munitions. Le 11ème Hussards, sous les ordres du chef d’escadron Ismert (futur baron d’Empire), charge pour ralentir l’avance pressante des autrichiens.

A 14 h 00, pour bloquer le mouvement de débordement de la droite française par le corps d’Ott et la division de cavalerie d’Elsnitz, et donc éviter un désastre, Bonaparte envoie contre eux la division Monnier (3.600 fantassins – corps de Desaix) et la Garde Consulaire à pied (800 hommes) qui arrive de Voghéra.

Ces troupes fraîches se forment en carré au Sud de Castel Ceriolo et stoppent la progression autrichienne avec le soutien de la brigade de cavalerie Champeaux.

Monnier fait même attaquer Castel Ceriolo par la brigade Carra Saint Cyr (19ème demi-brigade légère de 900 hommes). Le village est l’objet de durs combats au cours desquels il chane plusieurs fois de mains pour rester finalement en la possession des autrichiens.

Au Sud-Est de Castel Ceriolo la Garde Consulaire à pied et la petite cavalerie qui la soutient (360 cavaliers) sont assaillies de tous côtés par un ennemi largement supérieur en nombre et en pièces d’artillerie. Décimée par une intense canonnade la Garde Consulaire finit par reculer, abandonnant sa maigre artillerie sur le terrain. Sa retraite vers San Giuliano s’opère dans un certain désordre, sous la protection de la cavalerie.

Les autrichiens restent maîtres du terrain, ils ramassent des trophées et célèbrent leur victoire. La curée semble proche…

Pourtant la cavalerie autrichienne a été durement éprouvée dans la bataille et se révèle incapable de poursuivre les français en retraite pour les achever.  Les dragons et chasseurs de Pilati et les dragons de Lobkowitz ont pratiquement été anéantis par la Garde Consulaire…

Le général en chef autrichien, le feld-maréchal Von Melas, considère néanmoins qu’il a remporté la bataille. Il est épuisé, il a soixante-et-onze ans et a eu deux chevaux tués sous lui ; il se retire à Alexandrie et confie le commandement au général Kaïm. Un certain flottement en résulte dans le commandement des troupes autrichiennes.

Il est 15 h 00, les troupes françaises retraitent sur l’ensemble du front et Bonaparte n’a plus qu’une demi-brigade d’infanterie de réserve. Les officiers français s’efforcent de maintenir une certaine cohésion pour éviter que la retraite ne se transforme en déroute, notamment au Nord du front.

Heureusement le quartier-maître général autrichien Von Zach, chef d’état-major de Mélas, met du temps à réorganiser les troupes autrichiennes : l’infanterie est épuisée et la cavalerie a été décimée.

A 16 h 00, les troupes autrichiennes enfin réorganisées sortent de Marengo et marchent en direction de San Giuliano. Elles sont formées en deux colonnes :

  • En tête marche la colonne Zach forte de 4.000 fantassins (brigades Saint Julien et Lattermann) couverts sur leur gauche par un millier de cavaliers (dragons de Liechtenstein).
  • Derrière vient la colonne Kaïm formée des brigades Kresevich, Bellegarde et La Marseille, couverte sur sa gauche par des restes de cavalerie (brigades Pilati et dragons de l’Archiduc Charles), et suivie de la brigade Weidenfeld.

Sur l’aile droite autrichienne, la division O’Reilly s’engage su Sud sur la route de Frugorolo pour poursuivre les français qui retraiteraient vers Novi, tandis que la brigade Briey ((division Kaïm) progresse vers Spinetta puis vers la ferme « Cassina Grossa ». La liaison entre ces deux colonnes est assurée par la cavalerie de Frimont.

Sur l’aile gauche autrichienne (au Nord du front), le corps de Ott s’engage sur la route de la Ghilina à l’Est, tandis que la cavalerie d’Elsnitz talonne la brigade Carra Saint Cyr qui retraite vers le Sud-Est.

Sur la route de San Giuliano les autrichiens progressent en colonnes de route sans éclairage de cavalerie !

A 17 h 00, Bonaparte arrête la retraite française à San Giuliano que Desaix a atteint à marche forcée plus tôt avec la division Boudet (5.300 fantassins et 8 canons).

Après un rapide conseil de guerre Bonaparte décide d’arrêter la principale colonne autrichienne par un barrage d’artillerie. Pour cela une « grande batterie » est constituée avec 18 pièces prélevées sur les différents corps français ; elle est placée sous le commandement du général Marmont.

La grande batterie se met en position au Nord de la route Marengo – San Giuliano, à l’Est de la ferme « La Buschetta », devant la brigade d’infanterie Guenand (3.300 fantassins – division Boudet).

Au sud de la route se place la brigade Musnier (2.000 hommes de la 9ème demi-brigade légère – division Boudet).

Kellermann, qui a rassemblé environ 700 cavaliers, se positionne au Nord de la route, à gauche de la division Boudet, à la droite de laquelle (Sud de la route) se masse les fantassins épuisés des divisions Monnier et Watrin, les survivants de la Garde Consulaire à pied, les brigades de cavalerie Champeaux et Duvignon largement décimées, ainsi que les cavaliers de la Garde Cinsulaire à cheval (360 grenadiers et chasseurs).

La route vers San Giuliano est désormais solidement verrouillée par les troupes françaises devant la colonne principale autrichienne qui approche.

Sur l’ordre de Desaix, la contre-attaque française est lancée.

La grande batterie de Marmont se dévoile et tire à mitraille sur l’avant-garde autrichienne formée par le brigade Saint Julien qui, foudroyée, se débande rapidement.

La 9ème demi-brigade légère est menée à l’assaut des grenadiers de Lattermann par le général Desaix en personne qui est alors tué d’une balle en plein cœur. Le sauveur de l’armée française ne verra pas sa victoire.

L’artillerie française continue son feu sur les autrichiens qui se battent quand même durement. Les français commencent même à reculer par endroit.

Cependant Kellermann a fait passer ses cavaliers au Nord de la route. De là il voit les grenadiers autrichiens lui présenter leur flanc, fusils déchargés à la suite d’une salve.

Kellermann fait aussitôt tirer sur eux plusieurs salves d’artillerie à mitraille et lance tous ses escadrons en une charge épique qui balaye la cavalerie autrichienne et transperce la colonne des fantassins ennemis.

Toute l’avant-garde autrichienne (2.000 hommes) est culbutée et en grande partie capturée, dont le général Zach fait prisonnier par le cavalier Riche du 2ème régiment de cavalerie.

La panique s’empare alors du reste des colonnes autrichiennes malgré les efforts de leurs officiers.

Kellermann regroupe ses cavaliers et lance une nouvelle charge qui disperse ce qui restait de la cavalerie autrichienne. Cette charge sème encore plus de désordre dans les rangs autrichiens toujours soumis à la canonnade des pièces de Marmont qui se déplacent par échelons et se repositionnent pour maintenir leur feu.

A hauteur de Spinetta (Sud du front – Sud-Est de Marengo) les six bataillons de grenadiers de Weidenfeld, soit 2.200 hommes, contiennent un moment la poussée française avec le soutien de quelques unités du corps de O’Reilly qui n’a pratiquement joué aucun rôle dans la bataille.

L’élan français devient irrésistible et les grenadiers de Weidenfeld retraitent à leur tour et repassent la Bormida, de même que le corps de 0’Reilly.

Au Nord, sur la route de LA Ghilina, Ott a vu la déroute de la colonne Zach et s’est mis lui-aussi en retraite, harcelé par les cavaliers de Murat.

Vers 22 h 00, la déroute autrichienne s’achève de l’autre côté de la Bormida, à l’abri des murailles d’Alexandrie.

Du côté français, la division Gardanne est revenue à la Cassina Pedrabona, sa position initiale du matin !

La brigade Rivaud tient Castel Ceriolo et le reste des troupes françaises cantonne dans et autour de Marengo.

LES RESULTATS DE LA BATAILLE

Les autrichiens ont perdu plus de 10.000 hommes dont 7.000 prisonniers, une trentaine de canons et presque au autant de drapeaux.

Le général Zach a été capturé, le général Haddick a été tué et six autres généraux blessés.

La défaite autrichienne est très nette.

De leur côté, les français ont perdu près de 6.000 hommes dont 1.000 prisonniers.

Les généraux Desaix et Champeaux ont été tués.

Beaucoup d’historiens considèrent la victoire de Bonaparte comme miraculeuse, compte tenu de l’absence d’éclairage de cavalerie, du manque d’artillerie et de la grande dispersion des corps d’armée français.

Le Premier Consul s’est laissé surprendre et sa victoire doit beaucoup au général Desaix, tué dans la bataille. Le désir de Bonaparte d’un affrontement décisif a failli conduire à une défaite, mais dans le cours de la bataille il a su faire durer les combats dans l’attente des renforts qu’il a demandés rapidement. Dès que ceux-ci sont arrivés le Premier Consul a su rapidement organiser la contre-attaque et la mener jusqu’à la victoire.

Notons également qu’une défaite à Marengo n’aurait sans doute pas été décisive pour l’armée française, Bonaparte disposant encore des deux tiers de ses troupes sur le reste du front.

Dès le lendemain de la bataille, le 15 juin 1800, la convention d’Alexandrie est signée par le général Berthier, nominalement chef de l’armée de réserve, et le feld-maréchal Mélas. Dans l’attente des pourparlers de paix, cette convention suspend les hostilités en Italie, prévoit d’attribuer à la France toute l’Italie du Nord et permet aux autrichiens vaincus de se retirer vers l’Est, derrière le Mincio.

Les négociations n’aboutiront pas et les hostilités reprendront en novembre 1800.

La deuxième campagne d’Italie est néanmoins terminée, le Premier Consul peut rentrer victorieux à Paris où le pouvoir l’attend.